Kiki la petite sorcière : Les voyages initiatiques peuvent être universel

Chez Kiki, treize ans, on est sorcière de mère en fille. Mais pour avoir droit à ce titre, Kiki doit faire son apprentissage : elle doit quitter les siens pendant un an et leur prouver qu’elle peut vivre en toute indépendance dans une ville de son choix. Un beau soir, accompagnée de son chat Jiji, après avoir embrassé ses parents et sa grand-mère, elle enfourche son balai et met le cap vers le sud « pour voir la mer »… Le lendemain, elle atterrit dans une sympathique ville côtière. C’est là qu’elle va apprendre aux côtés d’Osono, une gentille boulangère qui lui propose un emploi de livreuse…

On peut voir un côté très enfantin à Kiki, mais nous ne pouvons pas dire que c’est une œuvre mineure. C’est même un film majeur pour l’un d’un des deux co-fondateurs du studio Ghibli. Toute l’essence des thématiques du cinéma de Miyazaki est dans ce long-métrage. Comme pour Totoro, le cinéaste japonais arrive à toucher tout le monde. Si on le revoit une fois qu’on est adulte, la joie est présente. Au mois de janvier, il était projeté lors d’un cycle de films d’animation, pour lancer l’année au Gaumont Comédie. J’ai pu observer des gens de mon âge au rendez-vous, qui voulaient justement retrouver de très beaux souvenirs d’enfance.

Pour les enfants, Kiki est un moment merveilleux, une forme de petite parenthèse bien agréable. La sorcière que l’on suit, à même leur âge. On peut grâce à Kiki revenir enfance et vivre cette période, ou devant ce film, chaque instant du quotidien de la sorcière était savouré

Quand on est adulte, on voit toute la richesse du film. Ce long-métrage d’Hayao Miyazaki, nous a même accompagnés dans nos différents parcours de la vie. On a connu, par exemple, ce moment qui pouvait être douloureux de quitter le foyer familial pour justement vivre ce nouveau quotidien. On était bien évidemment content. Cela signifiait, le passage à l’âge adulte. Néanmoins, il y a tout de même une forme d’appréhension quand ce chapitre inédit commence, Il y a la peur, il y a également une angoisse. Kiki a beau être une enfant, ce que nous propose le cinéaste japonais, c’est un voyage initiatique, qui tient son succès, au fait qu’il arrive à être universel.

Miyazaki, nous propose un véritable changement de paysage entre le foyer familial et la ville. Au début , quand Kiki est chez ses parents, c’est une campagne douce et agréable. Le cinéaste représente la campagne, comme un endroit toujours calme. lorsque Kiki débarque pour la première fois en ville, c’est tout autre chose. C’est d’abord, extrêmement bruyant. Cela est illustré par de nombreuses voitures. Les décors de la ville sont également très remplis, laissant peu de place au vide. Ce changement brutal est caractérisé par le balai de notre petite sorcière qui part à toute allure. Le réalisateur, nous montre que le quotidien des gens en ville est différent de la campagne. Cet aspect paisible nous manque. Malgré tout, on arrive à trouver des moments très agréables en ville. S’ils sont présents, c’est que Kiki a réussi à trouvé son petit bonhomme de chemin. C’est toute l’importance de trouver une routine quand une nouvelle vie commence.

On voit un réel amour du cinéaste pour l’architecture européenne. C’est également une très belle déclaration d’amour que le réalisateur fait à la vie européenne. On est d’accord pour dire que le quotidien de Kiki ne se déroule pas dans un village. Cependant, quand on voit ce que fait le personnage, on peut situer l’action dans un village. On a même cette image de la campagne ou le facteur participe au quotidien du village. Il a même une importance capitale. En faisant des livraisons, Kiki peut justement s’intégrer facilement. Elle se fond dans la routine de la ville.

Le cinéaste démontre une proximité qu’on avait à l’époque entre nous et les commerces de proximité. Aller dans une boulangerie était inscrit dans notre quotidien. Ce n’est pas forcément une amitié, qu’on entretient, mais on s’attache par exemple à la vendeuse qui travaille à la boulangerie. Comme dans cette œuvre, On voit des gens d’une gentillesse qui sont au cœur de nos vies. Ce n’est pas étonnant, que dans le film, quand Osono rencontre la jeune sorcière, elle est d’une bienveillance. Ce qui est retranscrit, c’est un climat si apaisant. Tout cela permet de dire qu’a une époque, les commerces de proximité étaient plus que des magasins, c’était de véritables lieux de vies. Cela permettait à Kiki, d’oublier la raison de pourquoi elle était loin de sa famille. La ville l’a justement adopté.

Pour le studio, le succès de Kiki est un véritable tournant. Mon voisin Totoro de Miyazaki et Le Tombeau des Lucioles de Takahata étaient des réussites honorables au box office, mais le studio avait une santé financière fragile. Ces deux films furent réellement rentables par l’intermédiaire des produits marchandising de Totoro qui est même devenu la mascotte du studio.

Quand on parle de Kiki, on peut ainsi parler de tournant, mais également de seconde phase pour Ghibli. Cela a permis aux deux fondateurs du studio de voir les choses autrement. Les animateurs étaient des intérimaires, payés au dessin. Après le film, une bonne partie ont pu être embauchée à temps plein avec en prime un salaire fixe. Parallèlement, ils ont pu former de nouveaux talents. Tout en gardant l’aspect familial, il y avait une véritable optique d’en faire une entreprise en progression.

Outre le fait que la machine de chefs d’œuvres se pérennise, Kiki, la petite sorcière nous montre que Miyazaki nous emmène dans un formidable voyage de la vie, qui sans amertume est si riche. On est même triste qu’il n’y ait pas de suites. On aimerait que cette petite parenthèse continue. Suivre le quotidien de cette petite fille fut merveilleux. Ce voyage mérite de ne pas avoir de fin.